L’importance décisive du Pan-Africanisme aujourd’hui : Quelques stratégies sur le plan politique, par Henda Diogène SENNY.

Contribution de la Ligue Panafricaine du Congo-UMOJA (LPC-U) au Grand Meeting Européen de l‘Afrocentricité et du Pan-Africanisme du 12 et 13 mai 2012 à Paris, organisé par Afrocentricity International (A.I.) Thème d’intervention : « L’importance décisive du Pan-Africanisme aujourd’hui : Quelques stratégies sur le plan politique. » I. Remerciements. Je voudrais, tout d’abord, au nom de la

Contribution de la Ligue Panafricaine du Congo-UMOJA (LPC-U) au Grand Meeting Européen de l‘Afrocentricité et du Pan-Africanisme du 12 et 13 mai 2012 à Paris, organisé par Afrocentricity International (A.I.)

Thème d’intervention :

« L’importance décisive du Pan-Africanisme aujourd’hui : Quelques stratégies sur le plan politique. »

I. Remerciements.

Je voudrais, tout d’abord, au nom de la Ligue Panafricaine du Congo – UMOJA (LPC-U) dont les membres du Bureau sont présents dans cette assemblée, remercier les Sœurs et les Frères qui se sont investi dans l’organisation de cet évènement. L’engagement militant exige de nous beaucoup de sacrifices, c’est ici l’occasion de remercier toutes celles et tous ceux qui ont pris sur eux pour sa réussite.

Ensuite, je tiens à préciser que mon intervention, n’est pas une analyse personnelle destinée à nourrir la réflexion contemporaine du Panafricanisme. Mon intervention est l’analyse qui sous-tend l’action réelle, concrète et décisive d’une organisation, la Ligue Panafricaine du Congo – UMOJA.

Par conséquent, par ma voix et ma modeste personne, chères Sœurs et chers Frères, vous avez une organisation qui se bat depuis deux ans clairement sur des positions laissées libres ou abandonnées par nombre de Panafricains. Nous venons donc lancer un appel, faire prendre conscience et espérer qu’une nouvelle ère pour les Panafricains est arrivée, c’est-à-dire le temps de l’action politique et de la conquête du pouvoir.

Venons-en à notre analyse.

Il nous a été demandé de faire une analyse sur le thème suivant : « L’importance décisive du Pan-Africanisme aujourd’hui : Quelques stratégies sur le plan politique ».

Nous ferons rapidement un état des lieux sur la place du Panafricanisme politique dans l’échiquier politique africain et nous présenterons les propositions de la LPC-U.

II. L’état actuel du Panafricanisme politique.

Il n’est pas besoin de reprendre, comme chaque intervenant l’a déjà fait dans cette assemblée avant moi ou comme chaque personne peut le faire à son niveau, l’état catastrophique dans lequel se trouve notre Continent et sa Diaspora.

Pour nous, Panafricains, depuis la Première Conférence de 1900 à Londres, soit 112 ans aujourd’hui, l’Unité Politique du Continent reste et demeure la seule issue pour arrêter la longue souffrance de notre Peuple, depuis le XIIIème siècle.

Mais comment y parvenir ?

Quelles stratégies pensées par les Panafricains pour atteindre cet objectif ?

En effet, entre le 5ème Congrès Panafricain de 1945 de Manchester et les dernières luttes de libération nationale en début des années 1980, en passant par la création de l’OUA en 1963 à Addis-Abeba, nous comptions encore sur des leaders

charismatiques, assumant sans ambigüité le projet de la création des États-Unis d’Afrique.

Nous pouvons citer Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba, Kwamé Nkrumah, Amilcar Cabral, Julius Nyerere, Ruben Um Nyobé et j’en passe.

Or, comme tout le monde le sait aujourd’hui, déjà en 1963, l’OUA fut un retentissant échec pour les Panafricains, mais que l’on a eu la malice de présenter comme un premier pas vers l’édification d’un État fédéral alors qu’elle consacrait l’intangibilité des frontières héritées du partage colonial à Berlin en 1884-1885.

L’inversion de cet échec historique en victoire a créé un effet lénifiant et sédatif sur les militants panafricains. Ces derniers ont jeté leur dévolu sur des dizaines sommets de l’OUA, en croyant que les avancées politiques y découleront. La disparition progressive des leaders panafricains, comme chefs d’ État ou chefs de mouvements politiques, a éloigné peu à peu la perspective de la création d’un État fédéral, tant souhaité et tant espéré.

Cet effet sédatif « OUA » a tellement été efficace que ces 20 dernières années, la quasi-totalité des Chefs d’État africains siégeant à l’OUA et devenue UA (Union Africaine) depuis 2002, sont des agents néocoloniaux, mais les militants Panafricains n’y voient rien et continuent malgré tout à espérer en eux.

III. Comment sortir de cette impasse : les propositions de la LPC-Umoja

Pour la LPC-U, la réalisation des États-Unis d’Afrique, est une mission éminemment politique. Elle passe par la conquête du pouvoir politique. Il n’est pas question, pour nous, de nier tous les apports culturels et historiques des Panafricains, depuis les apports majeurs de Cheikh Anta Diop couronné par le succès de la Conférence du Caire en 1974, aux manifestations culturelles (Congrès des écrivains et artistes nègres, le FESMAM, FESPAM, FESPACO…), sans oublier les organisations indépendantes comme c’est le cas d’Afrocentricity International

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et bien d’autres.

Un constat, hélas, implacable, c’est que dans l’ensemble du Continent, il n’y a pratiquement aucun parti politique qui assume clairement le projet panafricain. Il suffit de regarder chacune des échéances électorales, locales ou générales, il n’y a aucun parti politique panafricain.

Il est temps, en effet, que les Panafricains cessent de croire que les États-Unis d’Afrique seront réalisés par procuration, par des dirigeants qui sont d’abord des garants des intérêts des grandes puissances occidentales ou orientales, mais aussi des tribalistes patentés dans leurs propres pays. Deux dimensions foncièrement contraires à l’idéal panafricain car le Panafricanisme est anti-impérialiste et anti-tribaliste.

Les années 90 ont été marquées sur le continent par des alternatives démocratiques à la suite des conférences nationales. Là encore, les forces panafricaines ont été absentes. L’Afrique politique est en pleine mutation même si les effets ne sont pas

toujours perceptibles sur le plan macroscopique. Les régimes dictatoriaux actuellement en place sont en fin de course. Les panafricanistes doivent se tenir prêts pour jouer un rôle au cours de la décennie à venir. Nous devons sortir des querelles de chapelle et réunir nos intelligences pour faire triompher ces idéaux portés par nos prédécesseurs.

Depuis 1900, le projet panafricain s’est considérablement enrichi, tant sur le plan politique, qu’économique et culturel. Comme l’écrivit Cheick Anta Diop, il ya plus de cinquante ans « Le moment est venu de tirer les conclusions pratiques de tant d’années d’étude des problèmes africains ».

Il est évident que le principe de réalité nous démontre clairement qu’espérer réaliser les États-Unis d’Afrique par le haut, c’est-à-dire par les sommets est un cuisant échec depuis 1963.

Nous préconisons de partir de la base vers le sommet. Cette inversion de stratégie permettra de bâtir véritable conscience politique, condition sine qua non susceptible de créer l’opinion panafricaine au sein de nos territoires actuels afin que les populations, devenues conscientes des enjeux, puissent imposer le Panafricanisme aux dirigeants.

Comment y parvenir ?

Deux démarches intimement liées nous semblent nécessaires pour espérer, enfin, par notre propre investissement, réaliser les Etats-Unis d’Afrique, à savoir : la conquête des pouvoirs politiques locaux (B) et la création de l’Internationale Panafricaine en réactivant les Congrès Panafricains (C). Mais, le succès de ces deux démarches passe par un préalable nécessaire : l’unité des forces politiques panafricaines (A).

A. L’unité des forces politiques panafricaines : une nécessité.

Nous serions incohérents à prêcher l’unité politique du Continent africain, sans assurer d’abord l’unité politique des forces panafricaines. Or, contrairement à ce que l’on peut penser, la famille panafricaine se trouve dans un émiettement qui ne favorise nullement l’unité d’action nécessaire dont nous avons besoin face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Divisés en chapelle idéologique (Nkrumistes, Garvéyistes, Diopiens…), la LPC-U appelle les panafricains à se rassembler sur la base des projets concrets, la pureté idéologie ne favorise que l’émiettement. Il est temps que les panafricains débattent entre eux de leur différence sans s’exclure. Du débat jaillira la lumière et les rapprochements seront plus naturels.

Voici les points sur lesquels, la LPC-U propose aux panafricains de se rassembler :

Se battre pour les États Unis d’Afrique

Sortir des Dettes odieuses et illégitimes

Conquérir la souveraineté monétaire

Lutter contre l’aliénation culturelle…

De cette unité d’action, dépendra le succès des combats politiques.

B. La conquête des pouvoirs politiques locaux.

Pour la LPC-U, il est important que la famille panafricaine comprenne que les États-Unis d’Afrique, sont d’abord et avant tout, une question éminemment politique. Par conséquent, sans la participation active des peuples, même avec la meilleure des volontés, aucune victoire n’est garantie.

Or, comment impliquer nos peuples au combat de l’édification de l’Etat fédéral, alors même que leurs préoccupations primaires (manger, boire, dormir, se soigner, s’éclairer, s’éduquer…) ne sont pas garanties ?

C’est pourquoi, nous préconisons que dans chaque territoire ou pays actuels, que les Panafricains se constituent réellement en partis politiques afin de mener aux côtés de nos populations les combats sociaux avec les étudiants, les ouvriers, les paysans, les travailleurs, les chômeurs, les retraités, les femmes, les syndicats…

La quasi-totalité des partis politiques actuels se battent uniquement pour l’alternance politique. Pouvoir comme opposition sont d’accord avec le modèle économique basé sur les injonctions mortifères du FMI et de la Banque Mondiale, perpétuant ainsi l’économie extravertie de la Colonisation. Sans compter toute sorte d’abandons de souveraineté militaire, monétaire…

Ajouter à cela, une élite intellectuelle et la société civile qui négligent ou ignorent l’importance de la question de souveraineté qui est le socle existentiel de la Nation; une attitude qui a pour conséquence la focalisation du combat politique sur des enjeux artificiels tels que l’alternance politique, la bonne gouvernance… Si les Pouvoirs en place sont les garants des intérêts des grandes puissances, la défaillance des oppositions est tout aussi symptomatique de l’absence de vision ou de projet. La gestion du pays en est réduite a la perpétuation du modèle de société coloniale.

C’est en se battant avec les populations sur des positions de justice et de progrès sociaux que nous parviendrons à les aider à dépasser les clivages ethniques et tribaux, afin qu’une nouvelle solidarité de conditions naisse entre elles et contre les oligarchies qui n’ont cessé de les opposer artificiellement.

Les Panafricains doivent se battre pour conquérir la moindre parcelle de pouvoir, de la plus petite circonscription électorale, comme député ou maire, jusqu’à la magistrature suprême. Ils doivent apprendre à apprécier chaque parcelle de pouvoir.

Être aux côtés des populations dans le quotidien difficile des luttes sociales, obtenir des mandats locaux avec leur soutien, gérer les circonscriptions politiques de manière panafricaine en instaurant une démocratie participative, sont les clés de réussite pour créer une vraie opinion panafricaine au sein des populations.

Organiser des cours d’alphabétisation en ouvrant la possibilité aux populations d’apprendre l’histoire du Panafricanisme, les idéaux nobles et fédérateurs des grands leaders, bâtir des bibliothèques, des centres culturels, conscientiser les populations à prendre leur destin en mains, voilà autant de possibilités que seule l’implantation locale des forces panafricaines permettra.

Evidemment, le combat panafricain étant supranational, cette stratégie doit être pensée au-delà des frontières coloniales et doit aussi définir clairement le rôle de toutes les diasporas africaines sur tous les continents qui doivent de manière complémentaire contribuer à ce combat. Prenons donc en compte ces diverses diasporas qui souvent constituent un terreau très fertile à la progression de nos idéaux panafricains.

C. L’Internationale panafricaine et le Congrès Panafricain.

Pour la LPC-U, la seule façon de rompre avec l’isolement des Panafricains, est de réactiver la tradition politique du Panafricanisme par des Congrès Panafricains.

En effet, à l’instar des organisations comme l’Internationale libérale ou socialiste, les Panafricains ont tout intérêt à réactiver les Congrès Panafricains. Faire des Congrès à intervalles réguliers (4 ans par exemple), avec la mise en place d’un Secrétariat permanent entre deux Congrès.

Assigner au Congrès Panafricain, de nouvelles missions, entres autres :

  • Coordonner les luttes des mouvements panafricains entre eux ;
  • Appuyer les luttes des mouvements par solidarité ;
  • Aider à l’érection des mouvements panafricains là où il en manque ;
  • Veiller à ce qu’à chaque échéance électorale d’importance dans n’importe quel lieu du Continent africain, les Panafricains y soient ;
  • Assurer la cohésion idéologique entre tous les mouvements de lutte ;
  • Former les cadres panafricains, qui à leur tour, feront des formations dans leur territoire respectif…
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