Mémorandum relatif à la tenue des Etats Généraux de la Nation (Congo). La Ligue Panafricaine Umoja (LP-U) a accusé réception et répondu favorablement à l’invitation de CONGO YA SIKA (CYS) sur sa participation à la journée de réflexion portant sur un appel lancé par quelques partis politiques de l’opposition congolaise, relatif à l’organisation des États
Mémorandum relatif à la tenue des Etats Généraux de la Nation (Congo).
La Ligue Panafricaine Umoja (LP-U) a accusé réception et répondu favorablement à l’invitation de CONGO YA SIKA (CYS) sur sa participation à la journée de réflexion portant sur un appel lancé par quelques partis politiques de l’opposition congolaise, relatif à l’organisation des États généraux de la Nation.
Nous avons pris acte de la déclaration du 17 Août 2012 signée à Brazzaville par certains partis politiques de l’opposition, exigeant du pouvoir de Brazzaville, la convocation des états généraux de la Nation afin de trouver une solution nationale à la mauvaise situation politique, socio-économique, sanitaire et culturelle que traverse notre pays.
Le Congo a déjà connu dans son histoire, l’organisation de tels évènements. En juillet 1972 déjà, le président Marien Ngouabi convoquait une Conférence nationale. En 1991, une situation délétère à l’intérieur et un contexte international propice ont conduit certaines forces politiques et civiles à opposer un rapport de force obligeant le gouvernement en place à aller vers l’organisation d’une concertation nationale dite CNS (Conférence nationale souveraine).
La CNS a été un échec à divers égards. La population congolaise a été trahie par sa classe dirigeante dans son ensemble avec pour illustration ce que naguère elle nomma « les alliances contre nature ». Plus de 20 ans après, force est de constater que la condition du congolais moyen, à la fois sur le plan de sa sécurité (alimentaire, salariale, etc.) que de ses libertés (expression, entreprise, mouvement, etc.) ne s’est pas améliorée. Pis, sur le plan politique, nous assisterons au spectre du monopartisme de fait.
Nous partageons donc à divers égards, le diagnostic dressé par les partis de l’opposition dans leur lettre au président de la République. Nous croyons donc que, face à cette situation, les fils et filles de la nation congolaise sont en devoir de discuter de l’état de la Nation pour en dégager les perspectives d’amélioration.
Cependant, ce diagnostic singulièrement partiel de la situation du Congo dressé par certains partis de l’opposition ne traite ni de l’abandon de la souveraineté dans les domaines économiques et sociaux, ni de la responsabilité, non moins majeure, de la France comme soutien inconditionnel, plus que du régime, mais surtout du système de prédation qui prévaut au Congo.
En outre, ayant une certaine connaissance de ce que nous appelons aujourd’hui, l’opposition, nous, LP-U, sommes en droit de nous interroger sur les bases et les finalités de ces États généraux de la nation considérés comme vrai dialogue politique entre le pouvoir et les forces vives de la nation.
Pour nous, ce diagnostic mérite d’être complet afin que, si vrai dialogue politique il y a, celui-ci puisse porter sur l’ensemble des maux qui assaillent notre société. Une mauvaise analyse ou une analyse partielle, détournerait les éventuels États généraux de leur vraie nature.
Dans son état actuel, le texte présenté par certains partis de l’opposition constitue à notre avis, une véritable pièce à conviction. Ne nous trompons pas ! En dépit de la violence cyclique de la lutte pour le pouvoir dont se livrent les acteurs politiques congolais, se relayant en majorité et en opposition depuis les indépendances, et plus particulièrement depuis le retour du multipartisme en 1991, ces derniers sont quasiment tous d’accord avec le système de prédation qui structure l’économie congolaise. Les conflits qui les opposent ne portent en général que sur les conditions d’accession au pouvoir, comme si la démocratie ne se limitait qu’à l’organisation transparente d’élections.
Dans le texte d’appel aux États généraux, on peut lire en page 4, nous citons :
« Sur le plan électoral, les expériences de certains pays d’Afrique au sud du Sahara (Zimbabwe, Kenya, Niger, Guinée Conakry, Côte d’Ivoire, République Démocratique du Congo, Sénégal) et notre propre expérience en 1997, montrent que les élections sont devenues l’une des principales causes des conflits qui déchirent l’Afrique aujourd’hui (souligné par nous). »
En effet, à l’instar des acteurs politiques des pays africains cités ci-dessus, la classe politique congolaise, a réduit la démocratie aux seules préoccupations électoralistes au point d’en faire les principales causes des conflits. Or, nous observons que si la démocratie ne se résumait qu’aux réussites des scrutins électoraux, le vaillant peuple malien, tant vanté pour ses deux décennies de réussite de l’alternance démocratique, et dont malheureusement les droits économiques et sociaux sont réduits à la portion congrue, ne s’est pas mobilisé massivement pour défendre les acquis de la démocratie « électoraliste », et exiger le retour à l’ordre constitutionnel.
Plus d’un observateur a constaté qu’en dépit des injustices et des discriminations que le régime actuel fait subir au peuple congolais, ce dernier ne se mobilise plus pour venir à la rescousse de l’opposition politique ; en d’autres termes, le peuple congolais n’a pas confiance à cette opposition pour la défense de ses intérêts et pour son développement.
Le peuple congolais se souvient que la défense de ses droits économiques et sociaux, n’a jamais constitué une quelconque principale cause de conflit, pour lequel un compromis doit être trouvé entre la majorité et l’opposition, à l’instar des questions électorales.
La double peine pour les populations congolaises
Depuis les années 80, y compris après le retour du multipartisme en 1991, les différents plans d’ajustements structurels (PAS), renommés en PPTE aujourd’hui, qui se sont traduits par des baisses massives de salaires, le gel drastique des recrutements, l’arrêt des subventions aux services de base (santé, électricité, eau courante, éducation…), privatisation des sociétés d’État et mise massive au chômage… ont été appliqués brutalement contre les populations. Aucun parti politique de la majorité ou de l’opposition, au Congo comme dans les pays africains cités ci-dessus, n’en a jamais fait une principale cause de conflit dans le pays.
Tout se passe comme si les populations congolaises devraient subir la double peine. Après avoir subi les affres des régimes dictatoriaux, elles sont sacrifiées régulièrement sur l’autel des remboursements des dettes odieuses et illégitimes, contractées par ces mêmes régimes injustes avec la complicité des créanciers véreux. Le cynisme atteint son comble, lorsque les populations doivent subir aussi le remboursement des dettes contractées pour des achats d’armes de guerre ayant causé des milliers de mort parmi elles lors des conflits successifs, sans oublier les dernières explosions du 4 mars 2012 de Mpila.
« Il ne faut pas être mal vu par la communauté internationale ; Real politik oblige ; les investisseurs n’aiment pas ça ; il faut éviter d’être mis au ban de la communauté internationale ; signer une lettre d’intention avec les IFI est synonyme de compétence et de reconnaissance internationale… » (sic !)
Evidemment, on peut continuer à appliquer servilement et aveuglement les plans d’ajustement structurel, y compris les politiques économiques mortifères inspirées des institutions de Bretton Woods contre les populations. Cela ne sera une cause principale de conflit entre la majorité et l’opposition car tout l’ensemble du personnel politique est acquis à ce système anti-peuple. Tant pis, on reviendra sans vergogne, appeler le peuple à arbitrer la vraie cause principale de conflit portant sur les élections, même à coup de manipulation ethnique s’il le faut.
Souveraineté monétaire illusoire : Le Peuple congolais sacrifié sur l’autel du Franc CFA
La dévaluation d’une monnaie a pour fonction de rendre les produits issus du pays concerné moins chers pour ceux qui sont situés à l’extérieur, donc plus compétitifs sur le marché international. En théorie, elle favorise l’exportation, donc elle est une décision éminemment politique relevant de la souveraineté des États qui jouissent de cet attribut.
Le Congo, comme la plupart des pays africains de la zone CFA, ne jouit pas de cet attribut essentiel de la souveraineté. Ainsi, en janvier 1994, le FMI a obtenu de la France, véritable propriétaire du Franc CFA, sa dévaluation de 50 %. Officiellement, pour favoriser les exportations. Les effets de cette décision, qui au passage tend à démontrer la vacuité de la souveraineté du Congo tant vantée par les dirigeants politiques, furent terribles pour les populations. Par exemple : le Congo important tout, surtout les produits de base, un produit fini importé de France, qui valait 100 FCFA avant la dévaluation a vu d’un coup sa valeur doublée à 200 FCFA. Inversement, il faut vendre le double de produits pour récupérer la somme de 100 FCFA.
Contrairement au cynisme manifesté par certains économistes africains, qui considèrent cette dévaluation comme une simple mesure d’ajustement, les conséquences furent catastrophiques pour les Congolais. Pour s’en convaincre, il faut noter que le pouvoir d’achat des Congolais, déjà bloqué à cause des programmes d’ajustement structurel successifs imposés par le FMI, a été une nouvelle fois fortement baissé. Pis, la dette extérieure du Congo, libellée en monnaie étrangère, a été multipliée par 2 mécaniquement ruinant ainsi les efforts immenses et les sacrifices de 10 ans imposés aux populations pour rembourser des dettes injustes.
La même année 1994, alors que les congolais subissaient les affres de la répression du FCFA suite à cette dévaluation, la classe politique congolaise, s’affrontait dans une nouvelle cause principale de conflit (dixit l’opposition actuelle du Congo) particulièrement meurtrière sur fond d’épuration ethnique, à savoir : la contestation des élections législatives par l’opposition d’alors. Nous avons là, la preuve que cette classe politique dans son ensemble ne s’est jamais rassemblée, comme elle le fait souvent pour réunir les bonnes conditions de la compétition électorale, lorsque la souveraineté du pays est en jeu.
Cette capitulation de la classe politique congolaise sur les questions de souveraineté monétaire, se double avec l’abandon de la défense des droits économiques et sociaux des Congolais, comme nous l’avons montré avec l’application aveugle des PAS – PPTE et les affres de la dévaluation du FCFA en 1994.
Françafrique et légitimité politique illusoire
Dans le texte d’appel aux États généraux, on peut lire en page 13, nous citons :
« Les débats porteront à titre indicatif, entre autres, sur : les élections libres, transparentes et équitables en 2013 et 2016 ; la réhabilitation du processus démocratique ; les droits humains ; la crise des valeurs et la moralisation de la vie politique et de la vie publique ; la construction d’une armée et d’une police véritablement républicaines ; l’édification d’une économie diversifiée ; l’industrialisation du pays ; la sécurité alimentaire ; le pouvoir d’achat des populations et des travailleurs ; l’emploi des jeunes ; l’accès des populations aux services sociaux de base ; le développement humain ; la bonne gouvernance ; la refondation de l’école de la République ; le redressement du système national de santé ; la construction du système national de la recherche scientifique et de l’innovation technologique ; les nouvelles technologies de l’information et de la communication ; le développement énergétique ; le développement urbain et le logement social ; la décentralisation des collectivités locales ; la valorisation de la culture nationale ; la protection de l’environnement ; l’ouverture sur le monde et sur la modernité. »
Il est indispensable de dire la vérité à notre Peuple. Dans les échanges informels, les acteurs politiques congolais affirment ce que tout le monde sait, et qu’ils n’osent pas dire en public, à savoir : tout pouvoir au Congo, issu des urnes ou non, doit être en conformité avec les intérêts français. Sinon, il sera combattu et renversé. Ce qui suppose que la démocratie n’a aucune garantie de progresser au Congo si les dirigeants issus des urnes, souverainement et dans l’intérêt général, décident de changer les orientations économiques du pays.
Par conséquent, il y a un lien fondamental entre les intérêts français et la stabilité politique au Congo. Nous entendons mettre ce débat sur la place publique, sans hypocrisie. Si vraiment, les États généraux se veulent le lieu de débats essentiels, comment expliquer que les leaders de l’opposition, auteurs de l’appel à la tenue d’un tel forum ne proposent cette thématique parmi celles listées ci-dessus ?
Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un oubli de la part des rédacteurs. Il est de notoriété publique que les leaders politiques congolais – majorité et opposition – rivalisent farouchement pour être adoubés par la France afin d’être le meilleur garant de ses intérêts, une fois installés au pouvoir, par élection ou non. Divers moyens sont employés pour devenir des hommes liges de l’impérialisme au Congo, au point d’intégrer, sans se cacher, les sociétés secrètes contrôlées par la France.
Les hommes politiques congolais sont prêts à instrumentaliser leurs ethnies dans les violences meurtrières, alors qu’ils s’abstiennent de dénoncer publiquement la responsabilité de la France dans le soutien inconditionnel apporté au régime actuel parce qu’ils espèrent bénéficier de ce même soutien pour accéder au pouvoir.
« Il faut être stratège ; si tu parles, tu ne feras pas carrière en politique ; il faut faire attention, au risque de terminer comme Patrice Lumumba ou récemment Laurent Gbagbo… » (Sic !). Voilà ce qu’on entend quand on veut pointer du doigt la responsabilité de la France dans le blocage du processus démocratique au Congo. Cette autocensure est inacceptable. Nos ainés, sous la période coloniale, avec moins de moyens, se sont montrés plus dignes que nous pour contester le régime de répression colonialiste.
Nos préalables pour participer aux États généraux
Les États généraux de la Nation auront rempli leur rôle s’ils posent souverainement, sans tabou et sans hypocrisie, l’ensemble des problèmes systémiques de notre pays afin de réconcilier les populations congolaises avec la démocratie. Ainsi, notre participation est conditionnée par l’ajout et l’élévation des questions relatives aux droits socio-économiques et à la souveraineté, au même niveau d’importance et d’urgence que les thématiques suggérées par les auteurs du texte d’appel, à savoir :
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Un audit citoyen des dettes publiques pour en finir avec l’initiative PPTE :
Pour en finir avec la double peine qui frappe les populations congolaises relatives aux injonctions des IFI (BM et FMI) à travers le PAS hier et le PPTE aujourd’hui, nous exigeons un audit citoyen.
Instrument de souveraineté, l’audit citoyen consiste à analyser de manière critique la politique d’emprunts suivie par les autorités du pays et à répondre à de nombreuses questions.
Par exemple : Pourquoi l’État a-t-il été amené à contracter une dette qui ne cesse d’enfler ? Au service de quels choix politiques et de quels intérêts sociaux la dette a-t-elle été contractée ? Qui en a profité ? Etait-il possible ou nécessaire de faire d’autres choix ? Qui sont les préteurs ? Qui détient la dette ? Les prêteurs mettent-ils des conditions à fortiori des prêts ? Lesquelles ? Quelle est la rémunération des prêteurs ? Comment l’État s’est-il trouvé engagé, par quelle décision, prise à quel titre ? Combien d’intérêts ont été payés, à quels taux, quelle part du principal a déjà été remboursée ? Comment des dettes privées sont-elles devenues « publiques » ?
Les menaces de la mise au ban de la communauté internationale ne sont qu’une façon de décourager les États à franchir le pas. Car, contrairement aux idées reçues, les travaux récents de deux économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, ont dénombré 169 défauts de paiement qui ont duré en moyenne trois ans, entre 1946 et 2008.
Il est tout de même étonnant que l’opinion générale ne se souvienne pas que parmi les 169 cas de défauts de paiement dénombrés, aucun n’ait été conduit à une asphyxie financière définitive de l’économie des pays engagés dans la voie de l’exercice de l’acte souverain unilatéral de répudiation des dettes publiques conformément aux menaces sans cesse formulées par l’idéologie dominante. Mieux, le prix Nobel de l’économe, Joseph Stiglitz, affirme que la suspension unilatérale du remboursement de la dette peut-être bénéfique pour les pays qui prennent cette décision. Il s’est appuyé notamment sur le cas de la Russie en 1998 et de l’Argentine au cours des Années 2000.
Enfin, il convient de rappeler que l’obligation pour l’État de rembourser la dette qu’il a contractée repose sur le principe de continuité de l’État, lequel principe tire sa source de l’article 26 de la Convention de Vienne relative au droit des traités de 1969. Cette continuité entraîne la transmission des dettes d’État d’un gouvernement à l’autre. N’étant pas absolues, ces dispositions ne valent que pour des dettes contractées dans l’intérêt général de la collectivité. D’ailleurs, même les législations nationales contiennent les dispositions analogues. Trois cas récents d’annulations et de suspensions de dette, sont : l’Equateur, la Norvège et l’Islande.
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Bilan des avantages et des inconvénients de l’arrimage au Franc CFA
Les désastres économiques et sociaux causés par la dévaluation du Franc CFA de janvier 1994, tel que démontré plus haut, ne sont que la partie visible de l’iceberg. A ce jour, travaux, études et déclarations d‘experts foisonnent démontrant, contrairement aux idées très répandues et souvent chargées d’émotions, que la zone-franc est une source d’appauvrissement, de misère et de sous-développement des pays membres.
Au lieu de construire un véritable outil de développement en matière monétaire, les dirigeants congolais successifs, se contentent de vendre les matières premières non valorisées et cherchent désespérément refuge dans la monnaie de l’ancien occupant. L’aberration du système FCFA a atteint son comble, dans le fonctionnement des comptes d’opérations, où les dirigeants congolais tenus par les accords, stockent ou immobilisent dans les caisses du Trésor français les immenses capitaux financiers indispensables au développement socio-économique.
La garantie monétaire occidentale n’existe pas en Inde, ancienne colonie anglaise, où la monnaie nationale (la roupie) est inconvertible. Et pourtant, l’Inde est une grande puissance économique et militaire incontestable, devançant de loin, tous les pays africains de la zone franc.
Considéré par nous comme un véritable instrument de l’impérialisme français en œuvre sur nos territoires, la Ligue Panafricaine – Umoja entend présenter le bilan des avantages et des inconvénients de l’arrimage au FCFA, lors des États généraux, cela permettra aux Congolais, souverainement, de décider de sortir ou non de cette zone monétaire.
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Souveraineté et démocratie : la responsabilité de la France