Communiqué du Bureau Politique Provisoire sur la situation au Niger

Communiqué du Bureau Politique Provisoire sur la situation au Niger

La Ligue Panafricaine – UMOJA suit avec attention la situation au Niger où un changement de régime a eu lieu le 26 juillet 2023. En préliminaire, nous adressons notre solidarité panafricaine au peuple nigérien en l’invitant à maintenir sa cohésion et son unité face à toute tentative de déstabilisation et en lui partageant, ainsi qu’à

La Ligue Panafricaine – UMOJA suit avec attention la situation au Niger où un changement de régime a eu lieu le 26 juillet 2023. En préliminaire, nous adressons notre solidarité panafricaine au peuple nigérien en l’invitant à maintenir sa cohésion et son unité face à toute tentative de déstabilisation et en lui partageant, ainsi qu’à l’opinion internationale, les points suivants.

En premier lieu, si des observateurs nationaux ou internationaux ont formellement condamné le coup d’état militaire du 26 juillet 2023 au motif qu’il remet en cause le modèle démocratique nigérien illustré par l’élection du président Mohamed Bazoum à la suite du départ du président Mamadou Issoufou au terme de ses deux mandats constitutionnels, cette condamnation est relativisée sur le fond par le fait que, outre les nombreuses entorses dont elle a fait l’objet sous le régime déchu (pressions sur la société civile, arrestation d’opposants, interdiction de manifestations, caution électorale dissuasive), la démocratie est insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’une souveraineté nationale.

Ainsi, la jeunesse dynamique et déterminée du Niger doit savoir que ses aînés ont mené une lutte pour la véritable indépendance, sous la direction de l’Union Démocratique Nigérienne (UDN). Ce parti créé en 1954 par Djibo Bakary pour combattre la domination coloniale française, à une époque où les guerres d’Algérie et du Cameroun éclataient, est devenu un mouvement sous le nom de « Sawaba », terme haoussa appelant au calme et à la sérénité. En 1958, le Sawaba a milité en faveur de l’indépendance en appelant le peuple du Niger à rejeter le référendum voulu par le général de Gaulle. Comme la Guinée de Sékou Touré, le Niger de Djibo Bakary devait voter non au référendum et prendre son indépendance, mais c’était sans compter la fraude électorale et la répression organisées par le gouverneur colonial français. Comme l’Union des Populations du Cameroun (UPC), le mouvement Sawaba a été traqué et éliminé par les agents néocoloniaux déterminés à maintenir le Niger sous la tutelle française. La démocratie nigérienne a, comme dans la quasi-totalité des anciennes colonies françaises, été amputée par le fait que l’indépendance a été conditionnée à la signature d’accords monétaires et militaires sur lesquels les peuples n’ont jamais été consultés.

Par conséquent, la Ligue Panafricaine – UMOJA appelle le peuple du Niger à arracher sa souveraineté pleine et entière, notamment sur le plan militaire par le départ des bases étrangères et monétaire par la sortie du franc CFA, éléments de souveraineté sans lesquels la démocratie ne peut s’enraciner durablement.

En second lieu, dans le cadre du découpage colonial du Sahara entre la France (Algérie, Mauritanie, Mali, Tchad, Niger), l’Angleterre (Soudan), l’Espagne (Sahara occidental) et l’Italie (Libye), Paris espérait conserver à travers le Niger une vaste étendue désertique présentant un sous-sol riche en pétrole, gaz naturel et minerais notamment d’uranium, servant à développer ses expérimentations nucléaires et donc son indépendance énergétique, militaire et stratégique. Ainsi, le 15 avril 1974, trois jours avant une dernière réunion autour de sa décision de revaloriser le prix de vente de l’uranium, le président nigérien Diori Hamani qui avait reçu le colonel Kadhafi quelques semaines plus tôt afin d’établir les clauses d’un accord de défense entre Niamey et Tripoli, est renversé par un coup d’état. Les intérêts français sont sauvegardés. Près de cinquante ans plus tard, le Niger, quatrième plus grand producteur d’uranium au monde, n’a toujours pas pu bénéficier des retombées des exportations vers la France pour élever le niveau de vie de ses citoyens.

Les négociations pour sortir du monopole de l’exploitant français Areva devenu Orano et la diversification des partenaires, avec l’entrée en jeu de la Chine, font que le contrôle de la rente de l’uranium est aussi devenu un instrument de conservation du pouvoir par les élites locales. Outre la pollution environnementale liée à l’extraction, la concentration apparue autour des sites miniers d’Arlit, Imouraren et Akokan a également impacté les équilibres géopolitiques internes liés à la redistribution économique des recettes minières, à la marginalisation des cultures vivrières ou encore à la représentativité politique des populations touarègues.

Par conséquent, la Ligue Panafricaine – UMOJA appelle le peuple du Niger à reprendre possession de ses ressources naturelles dans le cadre d’un projet de développement national innovant qui lui permettra d’atteindre la souveraineté énergétique, alimentaire et économique. Nous invitons plus particulièrement les ingénieurs panafricains à faire preuve de solidarité en se mettant à disposition du pays du physicien Adbou Moumouni Dioffo, pionnier de l’énergie solaire en Afrique.

En troisième lieu, la destruction de la Libye de Kadhafi par les forces occidentales a accéléré la militarisation du Sahel et la présence de groupes terroristes, deux éléments de déstabilisation qui se superposent, d’une part à l’externalisation des frontières de l’Europe au niveau du Niger dans le cadre des politiques migratoires, et d’autre part à l’impact des politiques économiques néolibérales qui renforcent la pauvreté. Le Niger coche ainsi toutes les cases d’un pays en proie à l’impérialisme. Le coup d’état du 26 juillet 2023, qui a ses propres logiques internes, s’inscrit dans une remise en cause de l’ordre franco-sahélien après les coups survenus au Mali et au Burkina Faso. Ces trois pays qui sont confrontés au même défi sécuritaire s’inscrivent dans une communauté de destin qui participe de la renaissance du panafricanisme.

La Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont quatre pays sur quinze sont aujourd’hui exclus, a tenté d’imposer des sanctions qui n’ont pas reçu l’assentiment populaire. La menace d’une intervention militaire, si elle continue de planer en raison de l’alignement de quelques chefs d’Etats africains avec les intérêts français, ne saurait être une solution africaine aux problèmes africains. Bien au contraire, la solidarité exprimée par le Mali et le Burkina Faso à l’égard du Niger en cas d’attaque militaire, s’inscrit dans la continuité de la solidarité portée par les jeunesses ouest-africaines envers les peuples malien et burkinabè frappés par des sanctions. Les marches qui ont relié Bamako, depuis Dakar ou Conakry, les marches reliant Bamako à Ouagadougou, sont des routes pour l’unité africaine. Ces marches menées au nom du panafricanisme vont à l’encontre des décisions souveraines de certains pays ouest-africains d’expulser des citoyens de nationalité étrangère mais appartenant pourtant au même espace communautaire.

Par conséquent, la Ligue Panafricaine – UMOJA, dont l’objectif est la création d’un Etat Fédéral, considérant que l’union de deux Etats peut déjà servir à constituer des Etats-Unis d’Afrique, reprenant les expériences avortées de la Fédération du Mali ou de l’Union Ghana-Guinée-Mali, appelle l’ensemble des forces vives, qu’elles soient civiles ou militaires, continentales ou diasporiques, intellectuelles ou activistes, à ne pas céder dans la marche pour sortir du néocolonialisme et construire une plus grande et durable unité africaine.

L’Union fait la Force ! Umoja ni Nguvu !

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