http://lpcumoja.unblog.fr lipaco.33@gmail.com Depuis le 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire (CI) vit la plus grave crise de son existence. En effet, suite à l’éclatante élection de l’opposant historique Laurent Koudou Gbagbo en octobre 2000, candidat inattendu par aucune chancellerie du club des puissants régentant le monde et l’ONU depuis sa création, le pays a été
Depuis le 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire (CI) vit la plus grave crise de son existence. En effet, suite à l’éclatante élection de l’opposant historique Laurent Koudou Gbagbo en octobre 2000, candidat inattendu par aucune chancellerie du club des puissants régentant le monde et l’ONU depuis sa création, le pays a été attaqué par des rebelles armés et aidés par des puissances non africaines, avec comme supplétifs locaux, des Africains exécutant les basses œuvres. En plein XXIe siècle débutant, avec tout ce dont nous disposons comme moyens de communications, comme matériaux pour lire le monde et le comprendre pour le bien être des masses africaines, les chefs d’État africains ont été très peu nombreux, très rarissimes même à condamner l’agression dont les habitants de la CI ont été victimes dès septembre 2002. Laurent Gbagbo est-il à ce point indigne de ses pairs africains, membres de l’Union Africaine ?
Il est curieux de voir aujourd’hui qu’ils sont nombreux à faire barrage de toutes leurs forces pour éviter que leur semblable Hissene Habré soit jugé, même sur le continent africain. Des mois et des années durant, le peuple ivoirien agressé, au bord de l’hécatombe, abandonné par la majorité des présidents africains a été contraint à des humiliations sans précédents. Alors que, sous Édouard Balladur, la France qui avait annoncé se retirer de l’Afrique, s’est battue comme jamais pour obliger Laurent Gbagbo à aller signer chez elle les accords dits de Marcoussis.
Au comble de l’humiliation, parce qu’à la tête d’un pays faible, le chef de l’État ivoirien fut contraint d’accepter cette fausse paix, avec un « médiateur » qui ne se gênait même plus d’être le tifoso de l’une des parties. Pour sauver la face, Gbagbo exigera au moins de lire la déclaration finale au sein de l’ambassade de CI à Paris. Mais le mal est fait et, sur la scène africaine, la CI est de plus en plus seule. Le pays est coupé en deux et ne peut même plus, – à cause d’un bon paquet de résolutions, sous l’instigation du Gouvernement français – se réarmer, obligé de fait de subir le diktat des rebelles et de leurs protecteurs. La même ONU, censée garantir la paix dans le monde encourage tout cela et les légalistes gérant à peine 40% du territoire, des élections vont être organisées.
Le scrutin se tiendra alors dans un pays divisé, et comme il fallait s’y attendre en pareil cas, la Commission Électorale Indépendante n’a pas été capable de donner le nom du vainqueur de second tour dans les délais prévus par les textes règlementaires et la nébuleuse appelée « Communauté internationale » s’est empressée de légitimer un des deux candidats finalistes, au mépris de la Constitution ivoirienne.
Cerise sur le gâteau, et première sur le Continent, on nous parle depuis des semaines de résoudre un conflit électoral avec des armes de guerre. Chacun sait que les conflits ne manquent guère en Afrique : Casamance, Cabinda, Darfour, RDC, Tchad, Somalie, Uganda etc…, et ce sont des dizaines de millions d’Africains qui meurent, alors que l’Afrique (hors mis l’Afrique du Sud), ne fabrique pas d’armes de guerre ! Jusqu’à quand l’Afrique va-t-elle être le terrain de jeux favoris de ces marchands de mort ?
Il est intéressant, pour comprendre les enjeux actuels et le drame qui se joue devant nous, impuissants que nous sommes, de regarder dans nos rétroviseurs. En effet, Cheikh Anta Diop nous disait : « Parce que le conflit, il est partout jusque dans nos relations internationales les plus feutrées. Nous menons et on mène contre nous le combat le plus violent, plus violent même que celui qui a conduit à la disparition de certaines espèces. » L’homme savait de quoi il parlait, car Charles de Gaulle, en bon visionnaire qu’il était, avait dit : « Des territoires qui ne cessaient pas, depuis dix ans, d’aspirer à l’indépendance, la réclament aujourd’hui avec insistance. Faut-il laisser ce mouvement se développer contre nous, ou, au contraire, tenter de le comprendre, de l’assimiler, de le canaliser ? » Et aussi : « J’ai desserré les liens avant qu’ils ne se rompent. ».[1] Comment mieux symboliser les relations entre nos pays et la France ? Dès l’octroi des indépendances, après avoir pris le soin de neutraliser les leaders nationalistes africains, le Pouvoir français a installé à la tête de nos pays des pantins avec comme « qualité » une capacité extraordinaire à courber l’échine chaque fois que nécessaire, puis il a fondé sa politique extérieure sur cette stratégie dont l’objectif central est d’empêcher les anciennes colonies d’Afrique Noire, de vivre de façon libre et indépendante.
Pour cela, le Pouvoir français repose sa politique africaine sur une logistique où elle s’inscrit comme le pays emblématique représentatif du triomphe occidental sur le monde noir. Un vrai néocolonialisme en fait ! Ainsi, les sommets France-Afrique (depuis 1974) devenus Afrique-France, la Francophonie etc. ne sont que des instruments modernes pour mieux servir sa puissance sur tous les plans à l’international, dès que le besoin s’en fait sentir. Ce système, plus de 52 ans après sa création est toujours en vigueur aujourd’hui. Comment s’étonner alors de voir M. Nicolas Sarkozy, Président de la République Française, oser donner un ultimatum à un chef d’État d’un pays souverain, afin que ce dernier quitte le pouvoir ? Nous sommes bien dans une vieille tradition française qui ne voit pas le temps passer, mais qui dit que c’est l’Africain qui n’est pas assez entré dans l’Histoire. C’est un continuum historique qui n’est pas prêt de s’arrêter à l’allure où vont les choses. Il suffit d’un Africain à la tête de son pays, non prévu par les programmes élyséens pour que toutes sortes de perturbations possibles surgissent chez nous. Et c’est bien le cas de la CI depuis 2000 avec l’irruption du cheval inattendu, Gbagbo.
Hier c’étaient, Sékou Touré, Patrice Emery Lumumba, Sylvanus Olympio, Thomas Sankara, etc… qui ont appris ce qu’il en coûtait de dire « non » à l’Occident : La France, tu la sers ou tu dégages !
Après toutes les tentatives qui ont échoué dans la Lagune Ebrié, l’Occident a estimé que le moment était vraiment venu d’installer son champion, Alassane Dramane Ouattara dans le fauteuil présidentiel de la Côte d’Ivoire. Rappelons que la Côte d’Ivoire est le moteur de l’UEMOA (avec son café, son cacao, ses services, son port autonome et ses hydrocarbures qu’on vient de découvrir). Comment dans ces conditions, la France qui n’a pas le moindre gisement de pétrole en Normandie ou dans la Creuse pourrait-elle laisser un tel morceau de choix ? Le champion choisi n’est pas le 1e venu, mais un ultralibéral ex-patron du FMI-Afrique, jadis imposé par les maîtres du monde à un Félix Houphouët-Boigny vieillissant. Après les privatisations sauvages et les Programmes d’Ajustement Structurel (P.A.S) de l’époque, que veut-on servir encore aux Africains ?
Son retour au pouvoir ne peut que signifier une chose : une mainmise
encore plus forte de l’Occident sur le sol et le sous-sol ivoirien. Sans parler des dettes iniques que nos arrières petits enfants risqueront encore de payer. Au moment où des pays comme l’Équateur et la Malaisie ne veulent plus entendre parler de ces IFI, allons-nous encore accepter qu’en 2011 et ce, pour des années encore, le FMI place un nouveau loup dans la bergerie ? A ce propos, il est souvent dit : « Gbagbo, 10 ans, ça suffit ! Il y a eu des vols et de la gabegie aussi ! » Fort bien, répondons-nous. Mais la rigueur et une certaine honnêteté intellectuelle devraient conduire à rappeler qu’en réalité, depuis 8 ans, le pouvoir est partagé avec Ouattara et Bédié : donc, responsabilité partagée ! Et aujourd’hui que la crise prend une autre tournure, on veut nous entraîner dans une nouvelle guerre !
La Ligue dit non à cette vision totalement occidento-centrée car l’occasion est trop belle pour les marchands de mort d’écouler et de tester leurs derniers produits ! On devrait plus écouter une voix comme celle de J.J. Rawlings qui lui préconise la négociation et s’oppose vigoureusement à un règlement par la force. Ce dernier, en Africain libre, n’est inféodé à aucune puissance non-africaine. En effet, conscients qu’ils ont besoin de leurs marionnettes habituelles sur le continent pour faire couler le sang des nôtres, les dirigeants occidentaux mettent une pression jamais vue sur le continent pour que l’UEMOA, la CEDEAO et l’UA réunies servent de bras armés pour faire le sale boulot.
La Ligue le redit avec force : Jamais de mémoire d’homme un conflit post-électoral, sur notre continent, a été réglé via des organisations régionales en décrétant la guerre ! Il s’agit de vies humaines ! La Ligue ne peut accepter l’usage des armes de guerre pour cela, venant d’un camp comme de l’autre ! L’Occident se permet de brandir la menace estampillée CPI (Cour pénale internationale) telle une épée de Damoclès sur la tête des dirigeants ivoiriens.
Hier, il y avait des coups d’État. Désormais, il y en a moins, mais il y a aussi la Cour Pénal International (CPI) dont les « clients », depuis sa mise en place, comme par enchantement, ont tous la peau très foncée et les théâtres des opérations ont tous été sur le continent africain. L’ONU laisse tuer un million d’Africains au Rwanda ? La C.P.I. ne juge que des Africains ! Faut-il rappeler là aussi que nombre d’États, dont certains qui se disent démocratiques et civilisés n’ont jamais ratifié le Statut de Rome ?
L’Occident ne manque pas d’arguments pour mettre à genoux la Côte d’Ivoire. Rien que la minorité de blocage de la France au sein de nos Banques Centrales est une arme redoutable. Les sources d’information pour la majorité des Africains, dans cette crise, sont occidentales : encore une preuve de notre vulnérabilité car un peuple qui ne contrôle pas son information se fait manipuler de bout en bout.
Nous, Ligue Panafricaine du Congo-Umoja, réaffirmons avec force que cette crise doit trouver une solution africaine, par la négociation et qu’aucune goutte de sang d’un enfant africain ne doit couler pour la résoudre, peu importe son issue. Depuis la nuit des temps, sous l’arbre à palabres ou ailleurs, les Africains ont expérimenté à plusieurs reprises l’art de la négociation. A-t-on oublié que c’est grâce à l’Africain Thabo Mbeki que le parti de Gbagbo et ses alliés ont fait la concession qui empoisonnait la vie politique ivoirienne depuis des années, à savoir l’éligibilité de Ouattara ?
Nous, Ligue Panafricaine du Congo-Umoja, appelons tous les Africains et tous les peuples épris de liberté, à se lever contre cette volonté d’hégémonie persistante de l’Occident sur les peuples opprimés. Nous appelons la jeunesse africaine à la résistance face aux valets locaux et autres ennemis de la Renaissance africaine. Kwamé Nkrumah nous disait : « Il est clair que nous devions trouver une solution africaine à nos problèmes, et que ceci peut seulement être trouvé dans l’unité africaine. Divisés, nous sommes faibles ; unie, l’Afrique peut devenir l’une des plus grandes forces dans le monde ».[2]
Cette solution pacifique passera par une voix forte de l’Afrique que pourrait incarner celle de Nelson Mandela, que nous appelons de nos vœux, pour dire STOP à l’ingérence étrangère. STOP à la bêtise de ceux qui pensent pouvoir résoudre un contentieux post-électoral par les armes. Nous ne devons pas nous leurrer : un Blaise Compaoré qui a passé son temps à tripatouiller la Constitution de son propre pays depuis des années, quelle légitimité peut-il avoir à faire dialoguer sereinement les forces en présence en CI ? Certes, quand il y a le feu, on ne regarde pas la couleur de l’eau, mais on devrait fixer des limites à ce genre de méfaits qui ne nous honorent guère.
Nous appelons toutes les organisations panafricaines à une action collective, concertée et globale pour, non seulement dénoncer mais aussi, pour prendre des mesures conservatoires pour que ceci soit un dernier épisode marquant la fin d’un système qui n’a que trop longtemps duré. Thomas Sankara disait : « Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre 40 années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu’il a été grand hier et donc, peut-être aujourd’hui et demain. Fonder l’espoir ».[3][3]
Fait à Paris, le 5 janvier 2011
Le Bureau Exécutif de la LPC-U
[1] –Discours de Cheikh Anta Diop devant les étudiants à Niamey, http://www.conscienceafricaine.org/Discours-de-Anta-Diop.html.
[2] – Kwamé Nkrumah, I speak of freedom. A Statement of African Ideology (London: William Heinemann Ltd., 1961), pp. xi-xiv.
[3]- Discours de Thomas Sankara à l’ONU, http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1919