Le procès Gbagbo: l’Afrique face à son miroir

  Depuis le 19 février dernier, les regards des Africains et des dirigeants occidentaux sont braqués sur La Haye (Pays-Bas). C’est le siège du gouvernement de ce pays dont on ne parle quasiment jamais hors de l’Europe. C’est là que la France, l’ONU et les actuels dirigeants ivoiriens ont décidé de déporter Laurent Gbagbo, depuis

 

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Depuis le 19 février dernier, les regards des Africains et des dirigeants occidentaux sont braqués sur La Haye (Pays-Bas). C’est le siège du gouvernement de ce pays dont on ne parle quasiment jamais hors de l’Europe. C’est là que la France, l’ONU et les actuels dirigeants ivoiriens ont décidé de déporter Laurent Gbagbo, depuis le 30 novembre 2011.

La déportation : arme imparable

Cheikh Ahmadou Bamba, religieux et « suspect » aux yeux des colons français. Bédazin Boaijéré Honu Bowelé dit Béhanzin, roi du Dahomey et résistant à la pénétration coloniale française. L’Almamy Samory Touré dit Samory le Malinké, empereur du Wassoulou et en guerre contre l’expansion coloniale française en Afrique. Tous les trois ont, d’une manière ou d’une autre refusé de se soumettre à la France quand elle conquérait des territoires en Afrique. Pourtant, en 1960, ils étaient nombreux, ces Africains qui croyaient que, la France partie, les fils du continent n’auraient plus à subir pareille infamie. Erreur fatale de jugement de la part de ces jeunes et moins jeunes, qui avaient eu cette naïveté : la France officielle était certes partie, mais en réalité, elle était plus que jamais présente dans nos administrations, nos présidences de la République. Il avait été question pour elle d’enlever le nom « colonisation », mais le système en gros demeurait.

Gbagbo ou le refus de la soumission

C’est ainsi que lorsque contre toute attente, Laurent Gbagbo, après trente ans de lutte dans l’un des pays les plus importants du pré carré français, gagne haut la main la présidentielle ivoirienne ; à l’Élysée, la panique est à son comble. Aucun expert français en matière africaine n’avait prévu cette issue. Comment s’étonner que moins de deux ans après cette victoire alors que son programme socio -économique n’a pas été amorcé, la Côte d’Ivoire subisse une tentative de putsch par des « rebelles venue du Nord ». Hélas ! pour eux, l’os Gbagbo s’avérera plus dur à ronger et ces rebelles doivent surtout à la France de ne pas avoir été défaits, lorsque cette dernière « s’interposa », officialisant quasiment la partition du pays en deux avec 60% du territoire sous le contrôle de la plus grosse rébellion. La Côte d’Ivoire, de Laurent Gbagbo qui ne bénéfice quasiment pas de soutiens de la part de pays qu’elle croyait frères, voit son président, le couteau sous la gorge, une arme à feu dans le dos, obligé de composer avec les rebelles en faisant des « gouvernements d’union ». Le comble de l’humiliation sera sans doute atteint le jour où la classe politique ivoirienne est « invitée » à aller discuter en France et que le président Gbagbo se voit contraint de lire le texte final issu de Marcoussis, que l’on n’oubliera sans doute jamais. C’est dans ce contexte extrêmement difficile que ce pays est contraint d’organiser une élection présidentielle, alors que sa Constitution interdit de voter dans ce contexte.
Une nouvelle fois, la souveraineté de ce pays est foulée aux pieds par les Nations Unies qui avaient pour mission d’organiser ces élections. S’ensuivra alors un conflit postélectoral et, pour la première de l’histoire de notre monde, ce conflit est réglé à coups de canon. Coups de canon tirés par l’armée française qui sans la moindre vergogne bombarde le palais présidentiel où se trouve le président Gbagbo, qui refuse toujours de se soumettre, malgré toutes les propositions qui lui sont faites. À 66 ans, il n’est pas prêt à abandonner son pays.

Le procès du ridicule ?

L’ONU, la France et les autorités d’Abidjan ont cru trouver l’astuce du siècle en déposant le colis Gbagbo à La Haye et, pour diluer le caractère néocolonial de cette CPI (Cour Pénale internationale), il sera sorti d’un drôle de chapeau la Gambienne Fatou Bensouda, comme procureur afin de poursuivre le « travail » de l’Argentin L. M. Ocampo. Hélas ! pour eux, depuis le début ce qui ressemble de plus en plus à une mascarade de procès, leurs accusations sont démontées chaque jour par la défense. Tout le monde se pose la question de savoir quels sont les noms des victimes des tueries prêtées à Gbagbo, où sont les victimes encore en vie. Bensouda est allée jusqu’à prêter à Gbagbo des violences qui ont eu lieu au Kenya ! Le fait qu’elle ait disparu des bancs de La Haye ne doit pas faire illusion : la peur a changé de camp.

Des leçons pour l’avenir : appel aux panafricanistes !

Au regard de ce qui se déroule, il est vraisemblable que la justice des vainqueurs devra aller réviser ses classiques, car ses arguments ne cessent de s’effriter. Mais dans ce monde où l’Occident a la capacité d’intervertir les rôles entre les bourreaux et les victimes, ils sont capables de garder pour toujours ce déporté des temps modernes qu’est le président Gbagbo. Mais peu nous importe ! La lutte dans laquelle les Africains sont engagés ne doit pas souffrir de ce genre d’obstacles. Nous savions dès le départ que les choses en seraient ainsi. Une autre preuve, s’il en manquait, ils sont nombreux les acteurs des événements tragiques de Côte d’Ivoire. Le fait que Gbagbo soit seul assis sur le banc montre encore une fois que le but n’est pas de dire Le droit, mais de dire Leur droit et imposer leur loi. Celle des colons au détriment des colonisés. Encore une fois, les Africains doivent se battre pour reprendre leur destin en mains. Cela passe aussi par le fait d’investir le champ politique afin que demain, les Panafricanistes règlent leurs affaires sur le continent. Peu importe ce que l’on reprochera demain à un fils du continent, ce sera à nous et à nous seuls de le juger. À Dakar, à Ndjamena, à Gaborone… Le Panafricanisme ne saurait tolérer que plus de 100 ans après le premier Congrès panafricain, nous en soyons encore là à regarder Gbagbo être déportés en Europe et ensuite jugé là-bas ■

Par Obambe GAKOSSO
Retrouver cet article dans le Magazine trimestriel de la Ligue Panafricaine-UMOJA PANAFRIKAN juin-août2013

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